Les bases constitutionnelles du régime végétarien

Les bases constitutionnelles du régime végétarien

Le végétarisme augmente en France, même s’il demeure minoritaire.

Selon l’association L214, qui a compilé plusieurs données émanant d’études et enquêtes d’opinion récentes, 5% des Français seraient végétariens (ni viande ni poisson) ou végans (aucun produit animal : alimentation, cuir, laine,…) et 30% seraient flexitariens (ils mangent de la viande de temps à autre mais ont significativement réduit leur consommation).

Le phénomène est en tout cas en forte expansion, même si, en comparaison, la France reste un pays de carnivores puisque le nombre de végétariens s’élève par exemple à 9% de la population en Allemagne et en Angleterre, et 13% aux États-Unis d’Amérique

L’on sait aussi qu’adopter un régime végétarien (ou végétalien, ou végan…) est une très bonne manière de lutter contre le réchauffement climatique, et de participer à la préservation de l’environnement de manière générale.

 

En effet, il est souvent rappelé que l’impact de l’élevage sur l’environnement est catastrophique, pire encore que celui des transports.

L’association végétarienne de France (AVF) expose ainsi que « notre consommation de viande et de produits laitiers serait responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine (Les Amis de la Terre, 2014), de 36 % de la consommation d’eau des Français (WWF, 2012), de plus d’un tiers de la pollution de l’eau par les pesticides, l’azote et le phosphore (FAO, 2009), de l’utilisation de 80 % de l’espace agricole en France et 70 % des terres agricoles du monde, de 91 % de la déforestation en Amazonie (FAO, 2006 ; Solagro, 2016) et la cause principale de perte de biodiversité sur terre ».

Inversement donc, quelqu’un qui ne consomme aucun produit animal (c’est-à-dire essentiellement issu de l’élevage) a un impact bien moindre sur la dégradation de l’environnement.

L’université d’Oxford a d’ailleurs comparé les émissions de gaz à effet de serre des régimes alimentaires dans une étude de grande ampleur réalisée auprès de 2 041 vegans, 15 751 végétariens, 8 123 pescétariens (qui mangent du poisson) et 29 589 mangeurs de viande.

Il en ressort qu’ « avec des émissions par jour de 2,89 kilos équivalent CO2 (KgeqCO2), les végans ont le régime alimentaire le moins polluant […]. Suivis par les végétariens (3,81 KgeqCO2/jour), les pescétariens (3.91KgeqCO2/jour), les personnes mangeant moins de 50 grammes de viande par jour (4.67 KgeqCO2/jour), celles en mangeant entre 50 et 90 grammes (5.63 KgeqCO2/jour) et enfin les gros mangeurs de viande (plus de 100 grammes) (7.19KgeqCO2/jour) ».

Ainsi, « le régime moyen de quelqu’un qui mange beaucoup de viande et 2 000 calories émet 2,5 fois plus de gaz à effet de serre que le régime moyen d’un végan mangeant 2 000 calories », note l’étude.

Plus précisément encore, l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a développé un outil intitulé « Base Carbone », dont l’objectif est de « diffuser largement les données nécessaires aux évaluations carbones ».

S’agissant des effets de l’alimentation sur le « bilan carbone » de chaque individu, plusieurs types de repas ont été comparés en prenant en compte l’apport calorique et l’impact carbone calculé en grammes équivalent CO2.

Un repas ayant comme composition « légumes à la grecque – poulet au riz – plateau de fromages » représente un impact carbone de 1 100 grammes équivalent CO2.

Un repas « tzatziki – bifteck-frites – tarte aux poires » représente un impact carbone de 4 510 grammes équivalent CO2.

En revanche, avec un repas végétarien « soupe de légumes – omelette aux pommes de terres et aux oignons – salade de fruits », on chute à un impact carbone de 440 grammes équivalent CO2. Idem pour un repas « salade de lentilles – risotto aux carottes et aux amandes – fruits de saison ».

Ces données viennent confirmer la formule désormais classique : « un végétarien en 4×4 pollue moins qu’un carnivore à vélo » !

Or précisément, le régime végétarien dispose d’un fondement constitutionnel grâce à l’article 2 de la charte de l’environnement, selon lequel « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ».

La charte de l’environnement fait partie intégrante du « bloc de constitutionnalité », dès lors que l’alinéa 1er du préambule de la Constitution de 1958 proclame désormais solennellement son attachement « aux droits et aux devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 », laquelle est adossée à la Constitution française.

Mais si « toute personne » a « le devoir » (il s’agit donc d’une obligation juridique !) non seulement de prendre part à la « préservation » de l’environnement mais aussi à son « amélioration », les Français, qui se doivent de respecter leur constitution, ne devraient-ils pas, à tout le moins, réduire significativement leur consommation de produits animaux, puisqu’il est avéré que celle-ci a un impact particulièrement néfaste sur l’environnement ?

En tout cas, il est possible de trouver dans le texte constitutionnel une solide base au régime végétarien.

De là à invoquer ce fondement pour, par exemple, réclamer à une commune l’instauration de menus végétariens dans les cantines d’écoles, il n’y a qu’un pas…

 

Yannis Lantheaume
Avocat au barreau de Lyon

www.droit-animalier.lantheaume-avocat.fr


1https://www.l214.com/
2https://www.vegactu.com/actualite/combien-de-vegetariens-et-de-vegans-en-france-25932/
3https://www.vegactu.com/actualite/carte-des-vegetariens-dans-le-monde-6921/. Encore faut-il préciser qu’il s’agit-là de données datant de 2013. Le nombre de végétariens a sans doute augmenté depuis cette date dans ces pays, la tendance étant mondiale.
4https://www.vegetarisme.fr/pourquoi-etre-vegetarien/environnement/
5https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10584-014-1169-1
6http://www.liberation.fr/checknews/2018/03/20/les-vegetaliens-et-vegans-ont-il-un-impact-environnemental-moins-important-que-ceux-qui-mangent-de-l_1653328
7https://www.ademe.fr/
8http://bilans-ges.ademe.fr/docutheque/docs/%5BBase%20Carbone%5D%20Documentation%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20v11.5.pdf
9Au surplus, le Conseil constitutionnel a admis de longue date que les « textes auxquels la Constitution fait référence dans son préambule » font partie des normes constitutionnelles de référence à partir desquelles sont contrôlées, notamment, les lois (Cons. const. 16 juill. 1971, no 71-44 DC § 2). S’agissant de la charte de l’environnement, il a jugé que « l’ensemble des droits et des devoirs définis dans la Charte de l’environnement a valeur constitutionnelle et s’impose aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif » (Cons. const. 19 juin 2008, no 2008-564 DC § 18 et 49).

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